Test d’effort sous-maximal : l’API submaximal exercise test
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Test d’effort sous-maximal : l’API submaximal exercise test

Test d’effort sous-maximal : l’API submaximal exercise test

Afin d’évaluer les capacités cardiorespiratoires d’un individu, la méthode de référence est d’effectuer un test d’effort maximal sur tapis ou ergocycle. Cependant, pour nos patients, ces tests ne peuvent être réalisés que sous la présence d’un cardiologue sous certaines conditions.

Une méthode présentant peu de danger et pouvant être réalisée par les professionnels de la réadaptation physique existe : les tests d’efforts sous-maximaux. Ces tests sont moins fidèles que les épreuves maximales mais sont un bon compromis entre fidélité des capacités réelles des patients et faisabilité du test en pratique clinique.

Dans cet article, j’aimerai vous présenter un test sous-maximal que j’utilise en service nutrition et que je trouve très efficace : l’Aerobic Power Index (API) submaximal exercise test.

Pourquoi un test d’effort sous-maximal ?

Contrairement au test d’effort maximal qui s’arrête lorsque le sujet atteint un épuisement qui le force à stopper son effort, un test d’effort sous-maximal est un test où l’effort s’arrête avant l’épuisement du sujet selon un critère déterminé en amont. Ses principales vertus sont la diminution des risques liés aux tests maximaux, la diminution de la fatigue engendrée, et la diminution de certains facteurs limitant comme les douleurs, la fatigue ou le manque de motivation.

Parmis ceux-ci nous pouvons citer les tests d’Astrand-Rhyming ou le Modified Bruce Treadmill Test.

L’Aerobic Power Index submaximal exercise test

Description

L’Aerobic Power Index (API) submaximal test est un composant du tri-level fitness profile développé par Telford et Minikin en 1989.

C’est un test triangulaire où les sujets commencent à pédaler à une résistance de 25 watts qui augmente chaque minute de 25 watts. Le sujet pédale à un régime compris entre 60 et 70 rotations par minute. Le test s’arrête à la fin du palier où la fréquence cardiaque cible est atteinte. La fréquence cardiaque cible correspond à 75% de la fréquence cardiaque maximale théorique du sujet.

Validité scientifique

La validité scientifique a majoritairement été vérifiée par Karen E. Wallman, professeure à l’University of Western Australia.

Le protocole a notamment été expérimenté chez les sujets obèses en 2007. Un coefficient de corrélation de pearson a été réalisé entre l’aerobic power index en $W.kg^{-1}$ et le débit de VO2 en $ml.kg^{-1}.min^{-1}$ et montre une forte corrélation lors du premier (r=0.90) et du second essai (r=0.89). Le coefficient de corrélation intraclasse (ICC) était également élevé (R1=0.96).

Il a de plus été vérifié chez les sujets sédentaires, cancéreux, et atteints de syndrome de fatigue chronique.

Calculs

Pour calculer la puissance pic développée et l’index de puissance aérobie, j’utilise un tableur informatique (exemple avec une de mes patiente ci-dessous).

APIglobal

Note : Dans les formules je vais utiliser le signe ≃ à la place de = car les nombres ont été arrondis à 3 chiffres significatifs dans le tableur, ce qui rend les calculs faux si vous reproduisez les formules de mon exemple à la calculatrice.

(A) Dans un premier temps, il convient de calculer la fréquence cardiaque cible du sujet (i.e, 75% de la fréquence cardiaque maximale théorique), et de noter son poids.
API-a-

(B) On note ensuite la fréquence cardiaque au repos de l’individu.
API-b-

(C) Le test se déroule et on reporte la fréquence cardiaque du patient à la fin de chaque palier.
API-c-

(D) A la fin du test, on prend note des deux paliers entourant la fréquence cardiaque cible et des réponses cardiaques du sujet correspondantes :

  • Puissance palier inférieur : $x_1$
    Dans notre exemple 125
  • Puissance palier supérieur : $x_2$
    Dans notre exemple 150
  • FC palier inférieur : $y_1$
    Dans notre exemple : 133
  • FC palier supérieur : $y2$
    Dans notre exemple : 146

Il convient par la suite de se replonger dans les maths du lycée afin de calculer la puissance correspondante à la fréquence cardiaque cible :

La fréquence cardiaque cible (en ordonné) se projette sur la droite passant entre deux points de coordonnées respectives $(x_1 ; y_1)$ et $(x_2 ; y_2)$ qui correspondent aux valeurs de puissance et de fréquence cardiaque des paliers inférieurs et supérieurs. On cherche à trouver la puissance qui correspond à la valeur en abscisse $x_3$ de la fréquence cardiaque cible (FCC) (i.e, FCC=$y_3$=75% FCmax théorique).

Pour calculer cette puissance $x_3$, nous avons besoin de connaître deux éléments :

  • Le coefficient directeur (ou pente) de la droite, nommé $m$, qui indique la variation de l’ordonnée $y$ lorsque l’abscisse $x$ augmente d’1 unité.
  • L’ordonnée à l’origine de la droite, nommée $b$, qui désigne la valeur de l’ordonnée $y$ lorsque l’abscisse $x$ vaut 0.

Calculons dans un premier temps le coefficient directeur $m$ de la droite grâce à cette équation :
$$ m = \frac{(y_2-y_1)}{(x_2-x_1)} $$

Si on remplace les lettres par les valeurs de notre exemple :
$$ m = \frac{(146-133)}{(150-125)} \simeq 0,52 $$

Puis, calculons l’ordonnée à l’origine $b$ de la droite. La formule que l’on retrouve souvent est
$$ y = m*x+b $$

Nous connaissons le $y$ dans notre exemple : 133), le $m$ (le coefficient directeur, dans notre exemple ≃ 0,52) et le $x$ (qui correspond à $x_1$, dans notre exemple : 125). Une manière simple d’automatiser la formule pour qu’elle puisse être une fonction d’une cellule d’un tableur est de changer l’équation pour la mettre sous cette forme :
$$ b = y_1-(m*x_1) $$

Dans notre exemple :
$$ b = 133-(0,52*125) \simeq 68 $$

Une fois que nous avons obtenu le coefficient directeur et l’ordonnée à l’origine de la droite passant par les deux paliers entourant la fréquence cardiaque cible ($y_3$), il devient aisé de déterminer la puissance correspondante ($x_3$) par l’équation :
$$ x_3 = \frac{y_3-b}{m} $$
Dans notre exemple :
$$ x_3 = \frac{140-68}{0,52} \simeq 139 $$

La puissance développée par le sujet à 75% de sa fréquence cardiaque maximale théorique est donc de 139 watts.
API-d-

(E) Pour finir, afin de calculer l’API, il suffit de diviser la puissance développée à 75% de la FCmax théorique par le poids de l’individu.
API-e-

Interprétations

Que mesurons-nous avec ce test ? Nous mesurons la réponse cardiaque en fonction d’un effort standardisé.
La puissance développée pré et post prise en charge, ainsi que l’API peuvent donner des indications sur les capacités des patients : si la FC est moins élevée pour un même effort absolu, ou à l’inverse une puissance plus élevée pour une même FC, on peut donc penser qu’il y a une une évolution positive des capacités cardiorespiratoires du patient.

Les tests sous-maximaux peuvent nous donner d’autres indications (Löllgen & Leyk, 2018) :

Une augmentation faible ou lente de la fréquence cardiaque peut indiquer une fonction chronotrope inadéquate (e.g, dans des maladies coronariennes ou des insuffisances cardiaque congestives), l’historique clinique permettant de la distinguer d’une réaction bradycardique due à l’entraînement.

A l’inverse, une augmentation excessive de la FC peut être due à un manque d’entraînement, une hyperthyroïdie, une insuffisance cardiaque, ou à une fibrillation auriculaire.

Dans le cas où la tension peut être mesurée pendant le test, une élévation anormale de la pression sanguine peut indiquer une dysfonction cardiaque (e.g, insuffisance cardiaque systolique ou hypertension artérielle).

Données cliniques

Vous vous demandez peut-être à quoi peuvent ressembler les résultats de ces tests en pratique clinique.

Un recueil de données a récemment été mis en place dans le service nutrition où je travaille. Les tests API pré et post prise en charge ont été reportés dans une base de données. A l’heure actuelle nous comptons 43 patients dont les données ont été recueillies.

Après une prise en charge pluridisciplinaire de 6 semaines à raison de 5 séances d’activités physiques par semaine :

  • La moyenne de la puissance développée à 75% de la FCmax théorique est passée de 106W (SD ± 29.9) à 124W (SD ± 35.2) (p=0.0018; d=0.57).
  • La moyenne de l’API est passée de 0.87 (SD ± 0.23) à 1.07 (SD ± 0.28) W.kg^-1 (p<0.001; d=0.77).

Conclusion

L’API submaximal exercise test est un test facile à mettre en place, qui semble robuste scientifiquement et qui fonctionne sur le terrain selon mon expérience. Il est adapté pour le sujet sain et pour un grand nombre de pathologies.

Pour réaliser le test en toute sécurité avec vos patients, je vous exhorte à consulter la partie “safety and supervision” de l’article de Sartor et al. en 2013.