Evaluer la force : le Une-Répétition Maximum (1RM)
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Evaluer la force : le Une-Répétition Maximum (1RM)

Evaluer la force : le Une-Répétition Maximum (1RM)

Evaluer les capacités physiques des patients est un incontournable de nos professions.
La force musculaire ne déroge pas à la règle et offre plusieurs avantages :

  • Se rendre compte de force initiale du patient, en comparant par exemple la différence de force entre membre sain et membre pathologique ou bien la force d'un groupe musculaire d'un patient par rapport à une moyenne générale ou à la moyenne de ses autres patients.
  • Observer les progrès du patient, afin de percevoir l'efficacité de notre prise en charge.
  • Prescrire des intensités d'exercices adaptées, la majorité des publications scientifiques utilisant un pourcentage de force maximale comme intensité relative lors de la réalisation des protocoles d'exercices, connaitre la force maximale d'un patient nous permet notamment d'être moins influencé par la composante motivationnelle de celui-ci lors de la prescription d'exercice.

Parmi les différents tests de force maximale qui existent, celui qui a ma préférence, et de loin, est le Une-Répétition Maximum (1RM).

Le test

Le 1RM consiste à déterminer le maximum de charge que l'on peut soulever sur un exercice donné, en maintenant une technique correcte. C'est donc une épreuve maximale, et par conséquent demande un effort important.

Le test peut s'effectuer sur n'importe quel exercice, à partir du moment où nous avons la possibilité d'augmenter progressivement la résistance.

Déroulement

Le déroulement du test diffère selon les études et selon le public. Cependant, il convient de respecter certains principes pour obtenir un résultat le plus fiable possible :

  • Un échauffement semble améliorer les performances en force-puissance.
  • Le volume et l'intensité des répétitions réalisées avant de tester la charge maximale affectent la fatigue centrale et la fatigue périphérique du sujet et peuvent ainsi diminuer sa performance.
  • Le temps de récupération entre les essais affecte la fatigue centrale et la fatigue périphérique du sujet et peut ainsi diminuer sa performance.

Pour résumé, il convient de placer le sujet dans les meilleures conditions possibles pour performer en stimulant l'organisme avant l'essai à charge maximale, en évitant l'accumulation de répétitions, et en laissant un temps de récupération suffisant entre les essais.

Plusieurs protocoles existent, les plus utilisés étant construits pour des sportifs et non pour des patients.

Exemple 1 :
1) Le participant effectue un échauffement avec une charge permettant de réaliser entre 6 et 10 répétitions.
2) 1 à 5 minutes de récupération.
3) Le participant sélectionne une charge lui permettant de réaliser approximativement 3 répétitions (env. 80% de sa charge maximale estimée).
4) 1 à 5 minutes de récupération.
5) Le participant augmente sa charge afin de tester son 1RM. Plusieurs essais peuvent être réalisés.
6) Le temps de récupération entre chaque essai doit se situer entre 1 et 5 minutes, l'augmentation des charges se fait typiquement entre 5 et 10% pour le haut du corps et entre 10 et 20% pour le bas du corps. Le 1RM se détermine après généralement entre 3 et 7 essais.
7) Si des 1RM sont testés sur plusieurs exercices, un temps de récupération entre 3 et 5 minutes est nécessaire entre chaque test.

Exemple 2, protocole réalisé à la NASA :

Set No. Reps % of previous 1-RM (load)
1 8 50%
2 8 60%
3 5 70%
4 3 80%
5 1 90%
6 1 100%
7 1 100+%
8 1 100+%

Critères d'arrêt du test

Le test s'arrête en cas d'échec musculaire, c'est-à-dire en cas d'impossibilité de compléter une seconde répétition à une charge donnée.

Il peut également s'arrêter dans la situation où la technique d'exécution du mouvement est altérée et soit met le patient en danger, soit ne cible plus les groupes musculaires voulus (e.g., compenser avec le dos lors du tirage horizontal poulie).

Enfin, si le patient rapporte des douleurs excessives, il convient bien évidemment d'arrêter le test. Dans ce cas, ce sera un test de force à tolérance maximale plutôt que de force maximale.

Points de vigilance

Afin de conserver les avantages résultants de l'évaluation de la force, il convient de faire attention aux points suivants :

  • Peu importe le protocole choisi, les consignes doivent être identiques entre chacun des tests afin d'avoir une comparaison la plus fiable possible.
  • En pratique clinique, nous manquons très souvent de temps. Il est préférable de bien choisir les groupes musculaires à évaluer en fonction des pathologies et des objectifs des patients plutôt que de multiplier le nombre de test.
  • Il est primordial que la technique d'un exercice soit maitrisée avant de faire un test de force maximale. Si nos patients sont pris en charge sur de courtes durées, des machines guidées ou des mouvements simples sont à privilégier.

Avantages et inconvénients

Avantages :
Le test 1RM est le gold-standard des tests de force maximale en pratique clinique. Il permet non seulement d'évaluer la force mais également de prescrire des intensités d'exercices avec précision. La plupart des mouvements peuvent être évalués, ce qui le rend très modulable en fonction des besoins du patient. Le test-retest est excellent et le fait qu'il soit répandu permet des comparaisons générales.

Inconvénients :
Le test est chronophage et nécessite soit une prise en charge quasi-individualisée, soit une bonne compréhension des consignes de la part des patients pour le réaliser dans les règles. Dans le cas d'une utilisation de charges libres, la sécurité des patients peut être insuffisante notamment avec des patients sujets à des troubles de l'équilibre. Le test nécessite du matériel, notamment des poids ou des machines guidées, afin d'augmenter progressivement la charge.

Variantes

D'autres tests similaires au 1RM existent. Il s'agit principalement du 5RM ou du 10RM qui consistent à déterminer la charge à partir de laquelle le patient n'arrive pas à faire respectivement plus de 5 ou de 10 répétions à technique correcte.
Le 1RM peut ensuite être extrapolé par certaines équations, la plus connues étant la formule de Brzcky :
$$1RM = w * \frac{36}{37 - r}$$
Où $w$ est la charge soulevée en kg et $r$ le nombre de répétitions. Plusieurs tableaux d'équivalences existent facilitant les calculs.
Ces variantes sont populaires en réadaptation car elles demandent moins d'effort aux patients qu'un test 1RM, il faut cependant être conscient que plus le nombre de RM est important, moins le test est fiable.
Il convient donc de choisir la bonne méthode en fonction de son public et de ses objectifs.

Avec mes patients

En pratique clinique, il est parfois nécessaire de faire des ajustements des recommendations théoriques afin de garantir le meilleur rapport bénéfices/risques pour nos patients.
Dans le service nutrition où je travaillais, nous avions décidé de donner les consignes suivantes, résumées par ce logigramme :

1RM

Les patients doivent progressivement augmenter les charges d'un exercice donné jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus réaliser 5 répétitions sur ce même exercice. Si entre 2 et 4 répétitions ont pu être effectuées, nous utilisons la formule de Brzycki pour extrapoler leur 1RM.

Cette consigne a pour avantage d'être simple à comprendre, d'être relativement fiable (i.e., moins de 5 répétitions pour déterminer le 1RM) et d'être assez sécuritaire (i.e., peu de répétitions à très haute intensité). Elle a cependant pour inconvénient de sous-estimer le 1RM des patients par beaucoup de fatigue due aux nombreuses répétitions (i.e., parfois plus de 30 répétitions avant d'arriver à la charge maximale).

Données cliniques

Un recueil de données est mis en place dans mon établissement. Nous indiquons notamment dans celui-ci les résultats pré et post prise en charge des différents tests physiques que nous faisons passer.
Dans le cas du 1RM, à la suite d'une prise en charge pluridisciplinaire de 6 semaines, sur 222 patients :

  • La moyenne du 1RM au leg extension est passée de 48kg (SD ± 23.8) à 60kg (SD ± 28.1) (p<0.001 ; d=0.46).
  • La moyenne du 1RM au leg curl est passée de 37kg (SD ± 15.1) à 48kg (SD ± 20.7) (p<0.001 ; d=0.56).
  • La moyenne du 1RM au tirage horizontal poulie est passée de 46kg (SD ± 14.7) à 54kg (SD ± 17.7) (p<0.001 ; d=0.50).
  • La moyenne du 1RM au développé assis poulie est passée de 26kg (SD ± 11.3) à 31kg (SD ± 12.7) (p<0.001 ; d=0.38).