L’entraînement à haute intensité pendant un vol spatial, un exemple de solution contre le déconditionnement physique
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L’entraînement à haute intensité pendant un vol spatial, un exemple de solution contre le déconditionnement physique

L’entraînement à haute intensité pendant un vol spatial, un exemple de solution contre le déconditionnement physique

Dans un objectif constant de réduire les effets physiques et physiologiques néfastes d’un vol spatial, les équipes de la NASA améliorent en permanence les programmes d’entraînement physique des astronautes.

Cet article de 2020 présente les nouvelles méthodes d’entraînement testées sur la station spatiale internationale.

Introduction

L’exposition à la microgravité de façon prolongée entraîne des conséquences négatives diverses sur la forme et sur les caractéristiques physiques et physiologiques des astronautes. Parmi celles-ci, nous pouvons citer la perte de masse, de force et de fonction musculaire ; la baisse des capacités cardiorespiratoires ; ou la diminution de la densité minérale osseuse des individus.

Afin d’essayer de compenser ces inconvénients, les astronautes suivent un programme d’entraînement physique sur la station spatiale internationale. L’entraînement physique est la méthode de référence pour contrer ou ralentir les effets néfastes de l’exposition prolongée à la microgravité mentionnés ci-dessus. Celui-ci doit s’intégrer dans l’emploi du temps de l’équipe spatiale et correspondre aux préférences personnelles des astronautes.

L’entraînement à haute intensité est très bien documentée dans la littérature, du sportif de haut niveau aux patients en contexte clinique et il est admis que cet entraînement provoque presque systématiquement des résultats supérieurs à un entraînement à intensité faible ou modérée sur les capacités cardiorespiratoires et de force des individus.

Un des avantages principaux de ce type d’entraînement est que le temps alloué à la pratique est bien inférieur à ceux à intensité faible ou modérée. Le temps étant précieux sur la station spatiale, les auteurs conjecturent qu’un programme d’entraînement axé sur des exercices à haute intensité (i.e, groupe HIT) permettrait de i. diminuer le déconditionnement physique des astronautes ii. libérer plus de temps pour les autres activités, en le comparant au programme standard effectué jusqu’alors (i.e, groupe CON).

Protocole

Les 26 sujets ont été répartis en deux groupes : un groupe SPRINT (n=9) correspondant au nouveau protocole testé, et un groupe CON (n= 17) correspondant au groupe contrôle, qui effectuait le programme classique.

Afin de mesurer les effets de l’entraînement, la densité minérale osseuse et la masse musculaire des participants ont été testées par DXA scans ; leur force musculaire avec une machine à isocinétisme ; leur fonction musculaire par des tests 1RM (i.e, une répétition maximum) des membres inférieurs et des tests fonctionnels. Leurs capacités cardiorespiratoires ont été déterminées grâce à une épreuve d’effort maximale.

Chaque groupe avait un programme associant renforcement musculaire et endurance :

Groupe SPRINT

Le groupe SPRINT suivait un entraînement à haute intensité avec un faible volume de travail. Le programme se déroulait sur 6 jours par semaine avec des exercices de renforcement musculaire 3 jours par semaine et de l’endurance à chaque séance.

Le volume total de travail du groupe SPRINT était de 6 heures par semaine (i.e, 1,5h CT ; <1,5h HIIT ; 3h RT).

Endurance : le travail en endurance se décomposait en deux types : un entraînement fractionné de haute intensité (HIIT = High Intensity Interval Training) 3 fois par semaine et un entraînement continu (CT) 3 fois par semaine.

Renforcement musculaire : le travail en renforcement musculaire (RT) se déroulait les mêmes jours que l’entraînement continu en endurance avec 4 à 6 heures d’intervalles entre les deux types d’entraînement. Les volumes différaient mais la consigne était toujours de réaliser 4 séries jusqu’à l’échec à la fin de la 4ème série.

Groupe CON

Le groupe CON suivait un entraînement à (très relativement) basse intensité avec un haut volume de travail. Le programme se déroulait sur 6 jours par semaine avec des exercices de renforcement musculaire et d’endurance chaque jour.

Le volume total de travail du groupe CON était de 9 à 10 heures par semaine (i.e, 3-4h CT et IT ; 6-7h RT).

Endurance : le travail en endurance durait entre 30 et 45 minutes par jour, par intervalles ou en continu, avec une intensité comprise entre 70 % et 100 % du VO2pic et de la FCmax des sujets. Pour voir plus en détail ces protocoles je vous invite à explorer les protocoles CEVIS et T2 de l’ISS.

Renforcement musculaire : le travail en renforcement musculaire durait entre 60 et 75 minutes par jour, avec une augmentation progressive de l’intensité au cours de la mission (e.g, 70 % du 6RM à la troisième semaine).

Résultats

Le volume d’entraînement en endurance aérobie pour le groupe SPRINT était 17 % plus bas que pour le groupe CON. Le volume d’entraînement en résistance (séries x répétitions x charge) était 34 à 44 % plus bas pour le groupe SPRINT.

On observe également une diminution de la densité minérale osseuse, de la masse et de la force musculaire, de la fonction physique et des capacités cardiorespitatoires de façon similaire entre les deux groupes.

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Et après ?

Que pouvons-nous retenir de cette étude ? Notre pratique quotidienne est en effet souvent éloignée de la préparation physique au sens commun du terme, et nous ne travaillons pas tous à la NASA.

Deux points me semblent intéressant pour améliorer notre pratique :

Tout d’abord, l’accent mis sur le gain de temps d’entraînement possible avec les entraînements de haute intensité. Nous n’y pensons pas toujours mais nous autres thérapeutes n’avons souvent pas autant de séances que nous voudrions pour optimiser la rééducation de nos patients, notamment dans le cas de pathologies aiguës. A l’inverse, dans le cas de pathologies chroniques, les patients nous évoquent fréquemment le manque de temps libre pour adopter une activité physique régulière. L’entraînement à haute intensité peut être une alternative envisageable dans certains cas.

Enfin, pour le renforcement musculaire, le protocole utilisait l’échec musculaire comme critère d’ajustement de l’intensité d’exercice. L’échec musculaire (ou plutôt le presque-échec), est de plus en plus reconnu comme un critère fiable pour optimiser le gain en masse musculaire. Sortir des bornes standards utilisées dans le culturisme pourrait être plus profitable pour nos patients selon leur profil.